Pour les médias, l’effet de serre a pour presque unique cause des facteurs tels que les gaz d’échappements ou la pollution industrielle. L’influence de l’industrie animalière sur le climat n’a cependant été que très peu abordée, pourtant il y a toutes les raisons de s’intéresser à son impact sur l’environnement et plus généralement, sur l’utilisation des ressources dans le monde.

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), le bétail et la filière animale sont responsables de 18% des émissions mondiales de gaz à effets de serre, soit une part plus importante que le seul secteur des transports mondiaux !

La consommation mondiale de viande est cinq fois ce qu’elle était en 1950 alors que dans le même temps la population n'a augmentée que de 2,6 fois.

Il existe évidemment une grande inégalité dans ce phénomène. Nous qui vivons dans une partie privilégiée du monde sommes ceux qui consomment le plus de viande, mais ce sont les défavorisés, la majorité de la population mondiale, qui sont au contraire affectés par la déforestation, la désertification, la sécheresse et tout autre problème qui découlent de cette filière animale. De plus, une quantité significative de leurs récoltes céréalières est exportée vers les pays riches pour servir de fourrage.

Le secteur animalier est une source importante d’émission de dioxyde de carbone, cela est lié au fait que les forêts, qui avant absorbaient le dioxyde de carbone, ont été rasées pour libérer de l’espace destiné aux pâturages ainsi qu’à la culture de fourrage. Selon le rapport « Les Causes de la Déforestation de la Forêt Amazonienne Brésilienne », publié par la Banque Mondiale en 2004, pas moins de 88% des surfaces déboisées en Amazonie auraient été converties en pâturage pour des animaux d’élevage. Un facteur aggravant de cette situation est le transport des grains de fourrage sur des distances de plus en plus longues, car le fourrage est essentiellement un produit d’importation : soja, amandes de palmiers, colza, gluten de maïs,etc... sont importés par milliers de tonnes chaque année.

Mais le dioxyde de carbone est loin d’être le seul gaz à effet de serre. Le protocole de Kyoto désigne cinq autres gaz à effet de serre dont les émissions doivent être diminuées. Deux d’entre eux méritent un intérêt particulier quant aux questions de l’impact sur l’environnement de l’industrie animalière : le méthane et le protoxyde d’azote.

Le méthane est un gaz qui, par unité de mesure, a un effet sur le réchauffement climatique 23 fois plus élevé que le dioxyde de carbone. Au court des 200 dernières années, le niveau de méthane dans l’atmosphère a doublé, sachant qu' entre 35% et 40% des émissions mondiales de méthane sont imputables au processus de digestion de l’élevage d’animaux (on estime qu’une vache produit en moyenne 600 litres de méthane par jour).

Le protoxyde d’azote a lui, un effet encore bien plus important sur le climat car son pouvoir réchauffant correspond à 296 fois celui du dioxyde de carbone. L’élevage de bétail compte pour deux tiers sur la totalité des émissions de protoxyde d’azote lié à l’activité humaine. L’azote est présent en grandes quantités notamment dans les engrais utilisés pour la culture de fourrage, dans l’urine et les excréments des animaux, ainsi que dans les réserves de fumier (le fourrage donné au bétail contient, pour la plupart, plus de protéines que les animaux peuvent en assimiler, une grande partie de ce surplus va donc être évacué par les excréments et l’urine,sous forme d'azote).

Afin de produire un fourrage riche en protéines, il faut produire une récolte riche en protéines, et cela nécessite de l’espace, beaucoup d’espace. Aujourd’hui, l’élevage de bétail occupe plus de 30% de la surface totale de la terre, 78% des terres cultivables (y compris différents types de terres de pâturages) sont utilisées d’une manière ou d’une autre pour l’élevage d’animaux de fermes.

Au sujet de la demande future en terres arables, il y a un autre facteur important à prendre en considération : les besoins de plus en plus pressant d'énergies de substitutions aux énergies fossiles(dont certaines à base végétale, les mals nommées "bio"carburants).

En outre, selon un rapport de l’Université Suédoise des Sciences de l’Agriculture, l’énergie nécessaire à la production d’un kilo de la plus commune des viandes à notre latitude, soit le porc et le bœuf, est respectivement de 8.3 et de 12.8 kilowatt heure (kWh). La production d’un kilo de légumes (tels que les haricots secs), qui contient la plupart des protéines que les humains trouvent autrement que dans la viande, nécessite seulement 0.86 kWh, et même 0.44 kWh pour les pommes de terre.Cela signifie qu’il faut de 10 à 20 fois plus d’énergie pour produire des aliments animaux que des aliments végétaux. C’est principalement dû au fait que les animaux consomment une large quantité d’énergie, indépendamment du fait qu’ils broutent ou mangent des grains cultivés avant qu’ils ne soient abattus pour leur viande. L’abattage, le transport, la transformation et la cuisson compte aussi pour une part considérable de la consommation d’énergie.

En plus d'être une production énergivore, elle demande beaucoup d'eau alors que dans beaucoup de régions du monde, l’eau est un élément rare. Avec l’expansion des habitudes de consommation de viande à ceux qui ont les moyens de les imiter dans les régions pauvres du monde, la demande en ressource d’eau augmente fortement. La production d’un kilo de bœuf nécessite un total approximatif de 15 000 litres d’eau, un kilo de viande de poulet nécessite 3 500 à 6 000 litres. En comparaison, seulement 450 litres d’eau sont nécessaires à la production d’un kilo de maïs.

Les populations pauvres de certaines régions du monde n’ont pas les moyens d’avoir accès à la nourriture disponible sur le marché car les pays riches sont prêts à payer un prix élevé pour la viande. Les terres arables, qui sont limitées, sont donc utilisées au meilleur profit, précisément pour produire des pâturages et fourrages au lieu de la nourriture pour la consommation humaine.

Si rien n'est fait, nous risquons, en plus d'un impact de plus en plus néfaste sur l'environnement, une crise majeure des ressources alimentaires mondiales(nous pouvons en entrevoir les prémisses avec l'augmentation incessante des prix des matières premières alimentaires comme le blé ou le riz)et une fois de plus, ce sont les populations les plus pauvres qui payeront le plus lourd tribut.

Texte écrit par Guéna du GEL-05 de la fédération anarchiste et membre du collectif Calucha

 

Texte publié dans le Monde Libertaire n°1514 du 24 au 30 Avril 2008

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