En avril 1955, Edgar Faure était au gouvernement et faisait la guerre aux Algériens de France, de véritables provocations policières. Mais la population française n'a pas réagit, elle a subit sans rien dire ; il n'y a pas eut de résistance notable face à la répression menée contre les travailleurs algériens.
Le mouvement des banlieues d'aujourd'hui n'a pas fait monter particulièrement le racisme, bien qu'il ait été affirmé qu'il s'agissait de dealers, d'islamistes, etc. De plus, il y a eut cette calamiteuse lois sur les bienfaits de la colonisation...
Aujourd'hui, le racisme s'est transféré surtout vers les Africains noirs et les Arabes, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y ait plus d'antisémitisme pour autant. Il y a un problème de rejet par la couleur, mais à la fin du 19ème siècle, aux Italiens, il était reproché d'accepter des salaires trop bas, d'amener avec eux leurs curés ; en 1939, les Espagnols, les Allemands qui avaient fui l'Allemagne nazie, étaient stigmatisés – d'ailleurs, on les a mis dans des camps. Le problème de la couleur de peau est venu plus tard. Le racisme latent conforte le pouvoir et la police.
En 1936, des manifestants criaient : "La police, avec nous !" ; à la Libération, pareillement, les flics, qui avaient servi la France vichyste, redevenaient la police républicaine (ça n'a d'ailleurs pas duré longtemps). De 1942 à 1944, nos policiers ont livrés, toutes origines confondues, 250 000 personnes à la Gestapo, qui furent déportées. En octobre 1961, les policiers font le même boulot. Les mêmes comportements se retrouvent, mais sont plus violents. Après avril 2002 et le départ de Jospin, des syndicats de policiers ont commencé à dire qu'ils avaient maintenant tous les droits, qu'en somme, depuis la libération, il y avait eut entracte mais que, désormais, il allait falloir filer doux.
Evidemment, aujourd'hui, nous avons la liberté de parler, d'écrire, mais c'est un peu "cause toujours, blablabla...", car les gens ont peur. Ils ont peur du chômage, de la précarisation, et donc malgré nos protestations, les gens ne réagissent pas.
La démocratie française en quelques chiffres
145 000 policiers nationaux et 15 000 emplois jeunes (ou adjoints de sécurité) ; 15 000 à 16 000 CRS, 100 000 gendarmes, dont 15 000 à 16 000 gendarmes mobiles, qui font le même travail que les CRS ; 20 000 dans les douanes, qui se conduisent mal et sont souvent armés ; 20 000 policiers municipaux, armés aussi en partie ; 250 000 militaires professionnels (depuis 2000, certains généraux ont fait savoir qu'on pouvait faire appel à eux pour l'intérieur) ; soit près de 600 000 en tout.
Il faut aussi compter les polices privées, les sociétés de sécurité, qui souvent embauchent des voyous qui s'en prennent au SDF ; environ 120 000. Et puis, encore, d'autres polices privées : de la SNCF, la SUGE (Surveillance générale), qui comptait déjà 1 500 personnes et maintenant en comptera 2 500 avec Sarkozy ; du métro, la GPSR (Groupe de protection et de sécurité du réseau) ; des banques, des supermarchés, des grandes entreprises, etc. On peut encore ajouter les indics bénévoles, puis les indics rémunérés avec bulletins de salaire, les gardiens d'immeuble qui sont des auxiliaires de police. "Un sur 2 peut devenir flic et l'autre l'est peut-être déjà !". Le risque est grand que chacun devienne le flic de l'autre. La police comble un vide, car même à gauche, il n'y a pas de projet de société.
Aujourd'hui, quand on s'adresse à un policier, il y très vite "outrage" ; si on insiste, si on intervient quand il y a un contrôle part exemple, c'est une "incitation à l'émeute", un "trouble à l'ordre public " avec éventuellement tabassage et trois mois de prison ! Les tribunaux de Bobigny sont encombrés de délits pour "outrage" ; si on regarde un policier verbaliser, on est suspect. La population s'est habituée à baisser la tête, et, bientôt, il faudra saluer les flics dans la rue. En tous cas, il y a aujourd'hui criminalisation du mouvement social ; nous sommes dans un tel état de délabrement social dans ce pays ! L'individualisme est là , les gens ne voient souvent que leur propre intérêt. "Chassez le flic de votre tête" comme dit le slogan. La gauche veut paraà®tre plus humaniste, mais elle fait le même travail.
Les politiques sécuritaires et leurs effets
En 1997, de retour de colloque sur la sécurité, le PS a annoncé que le sécuritaire était une valeur de gauche... A partie de 2000, avec Daniel Vaillant et la loi Sécurité quotidienne, la gauche s'est lancée dans une campagne sécuritaire effrénée pour faire barrage à la droite sur ce terrain ; ses alliés, Verts et PC, n'ont rien dit. Ce serait le rôle des partis dits de changement et d'une certaine presse d'interpeller les parlementaires au sujet du comportement des policiers, cela calmerait peut-être leurs ardeurs.
Dans la loi Perben, il y a une incitation à la délation. Il faut se rappeler que pendant l'occupation, il y a eut 5,5 millions de lettres de délation. Depuis 1986, le nombre de dénonciations remonte en flèche dans les commissariats de police, contre les émigrés soupçonnés de n'être pas en règle.
Les propositions de Pasqua de 1993 - Pasqua, créateur du SAC (Service d'action civique) et de la BAC (Brigade anti-criminalité) - sont adoptées en 1994, sur les contrôles d'identité, le Code de la nationalité, la politique de maà®trise de l'immigration et la réforme du Code de procédure pénale. Et, depuis 2003, Sarkozy a mis la police sous pression, avec ders obligation de résultat : primes au rendement, tant de PV et tant de délits par semaine, avec classement des commissariats.
On assiste à la création du syndicat FNP - Front national de la police, sous Jean-Louis Debré ; celui-ci, non seulement n'interdira pas ce syndicat, mais ce dernier recevra une dotation lui permettant de bénéficier de locaux et de permanents. Il faudra attendre mars 1997 pour qu'il soit enfin interdit. Fin janvier 1997, J.-L. Debré avait annoncé son intention de porter plainte systématiquement contre ceux qui se mettent à critiquer la police ! Seul problème, en démocratie, la critique n'est pas un délit.
Police et justice
Pour les juges et les procureurs, la police n'est a priori pas coupable ; quand il y a des témoins et que l'affaire arrive au tribunal, les peines ne sont jamais les mêmes, qu'il s'agisse d'un policier ou d'un civil. Un viol peut coà»ter jusqu'à 20 ans de prison, mais quand ce sont des policiers qui sont en accusation, il peut y avoir un non-lieu ou de la prison avec sursis ; on leur trouve diverses excuses. Actuellement, les policiers ne sont plus au service de la justice, c'est l'inverse : la justice est à leur service ! La police est quasi inattaquable, elle représente la loi puisque les policiers sont assermentés.
Y a-t-il une différence de comportement entre la police officielle et les polices privées ? Ces dernières font la nuit la chasse aux SDF et aux sans-papiers. Dans la plupart des grosses sociétés, les banques, les supermarchés cependant, on emploie des Noirs, payés 4 sous, qui participent au contrôle des employés. Chevènement a créé les adjoints de sécurité, qui n'ont pas un comportement meilleur que celui des policiers, et l'arrivée des femmes dans la police n'a rien arrangé ; elles sont souvent plus abominables que les hommes, pour montrer qu'elles aussi sont capables !
A la même époque, la police commence sont informatisation, avec des équipements qui se renouvellent constamment et sont à la pointe de la technologie. En particulier, il y a le STIC (Système de traitement des infractions constatés) ; ce fichier comprend aussi bien le nom des coupables, des présumés coupables et des victimes que celui des témoins. La population entière est sous surveillance. De son côté, la gendarmerie, elle aussi, possède un ficher du même type.
Solidarité
En ce qui concerne la solidarité avec les persécutés, nous constatons une coupure : il y a peu de communication avec la classe pauvre, les émigrés. Le Français moyen est surtout dans les activités de services, dans la fonction publique ; les émigrés, eux, sont dans les emplois manuels. Les Français se sentent privilégiés et différents des autres. L'encadrement français dans les entreprises joue également un rôle policier vis-à -vis des émigrés. En 1944, quand les nazis ont instaurés le Service du travail obligatoire (STO), ce sont les cadres des entreprises qui établissaient les listes ; actuellement, quand il y a "dégraissage" et qu'on s'en prend aussi à eux, alors ces cadres ne comprennent plus.
Pourtant, nous ne sommes pas condamnés à l'inaction. Il faut lutter contre la peur, contre l'individualisme ; cette peur de la précarité alliée à la société de consommation, bloquant beaucoup d'énergie. Il faut lutter contre ça !
Sita Jacaré, d'après un entretien avec Maurice Rajsfus (Monde Libertaire du 9 au 15 février)